Paul et Etienne [Francisco Candido Xavier] (fb2) читать постранично, страница - 138


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tous les coreligionnaires qui gémissent à l'ombre des prisons, attendant le glaive de la mort.

Marquant une longue pause dans son discours éloquent, on pouvait remarquer l'étrange sensation que ses propos avaient causée. Néron était livide. Profondément irrité, Tigellia cherchait un moyen d'insinuer quelques commentaires moins dignes concernant le pétitionnaire. Les quelques courtisans présents ne cachaient pas une indicible commotion qui ébranlait leur système nerveux. Les amis du préfet des prétoriens se montraient indignés, rouges de colère. Après avoir entendu un courtisan, l'empereur fit ordonner que l'appelant garde le silence jusqu'à ce qu'il prenne les premières décisions.

Ils étaient tous abasourdis. Ils ne pouvaient soupçonner chez un vieux, fragile et malade, un si grand pouvoir de persuasion, une intrépidité qui frisait la folie, selon les notions du patriciat. Pour bien moins, des vieux et des honnêtes conseillers de la cour avaient souffert de l'exil ou de la peine de mort.

Le fils d'Agrippine semblait ébranlé. Il ne tenait plus sur son œil son impertinente émeraude en guise de monocle. Il avait l'impression d'avoir entendu de sinistres vaticinations. Il se livrait machinalement à ses gestes caractéristiques quand il était impressionné et nerveux. Les avertissements de l'apôtre avaient pénétré son cœur, ses paroles semblaient résonner dans ses oreilles pour toujours. Tigellia perçut la délicatesse de la situation et s'est approché.

Divin - s'exclama le préfet des prétoriens dans une attitude servile, d'une voix presque imperceptible -, si vous le voulez, l'intrépide pourra mourir ici même, aujourd'hui même !

Non, non - a répliqué Néron ému -, de tous ceux que j'ai rencontrés, cet homme est le plus dangereux. Personne, comme lui, n'a osé commenter la présente situation en ces termes. Je vois derrière ses mots, beaucoup d'ombres peut-être éminentes qui, conjuguant des valeurs, pourraient me faire beaucoup de mal.

Je suis d'accord - a dit l'autre hésitant d'une voix très basse.

Ainsi, donc - a continué l'empereur prudemment -, il faut paraître magnanime et sagace. Je lui donnerai le pardon pour le moment, lui recommandant de ne pas s'éloigner de la ville jusqu'à ce que s'éclaircisse complètement la situation des partisans du christianisme.

Tigellia l'écoutait d'un sourire inquiet tandis que le fils d'Agrippine concluait d'une voix étouffée :

Mais tu surveilleras ses moindres pas, tu le maintiendras sous bonne garde en cachette, et quand viendra la cérémonie de la reconstruction du Grand Cirque, nous profiterons de l'occasion pour l'envoyer dans un endroit éloigné d'où il devra disparaître pour toujours.

L'odieux préfet a souri et fit remarquer :

Personne mieux que vous ne résoudrait ce difficile problème.

Une fois la courte conversation inaudible pour les autres terminée, Néron a déclaré, à la grande surprise de tout le monde, vouloir accorder à l'appelant la liberté qu'il plaidait pour sa défense, mais réservait l'acte d'absolution pour l'heure où serait définitivement constatée la responsabilité des chrétiens. Toutefois, le défenseur du christianisme pourrait rester à Rome comme bon lui semblerait tout en se soumettant à l'engagement de ne pas s'absenter du siège de l'Empire jusqu'à l'éclaircissement de son cas. Le préfet des prétoriens a enregistré ce jugement sur un parchemin. Paul de Tarse, à son tour, était réconforté et rayonnant. Le monarque perfide lui avait semblé moins mauvais, voire digne d'amitié et de reconnaissance. Il se sentait rempli d'une grande joie et les résultats de sa première défense pouvaient donner lieu à un nouvel espoir à ses frères de foi.

Paul retourna en prison où l'administrateur fut informé des dernières dispositions à son respect. Sa liberté lui fut alors rendue.

Rempli d'espoir, il alla voir ses amis, mais de toute part il ne trouvait que de désolantes nouvelles. La majorité de ses collaborateurs les plus proches et les plus estimables avaient disparu, arrêtés ou morts. Beaucoup s'étaient dispersés, craignant l'extrême sacrifice. Finalement, il eut malgré tout la satisfaction de retrouver Luc. Le charitable médecin l'informa des événements pénibles et tragiques qui se répétaient quotidiennement. Ignorant qu'un garde le suivait de loin pour connaître son nouveau lieu de résidence, Paul, accompagné de son ami, se dirigea vers une maison pauvre à proximités de la porte Capène. Il avait besoin de se reposer et de reprendre des forces. Aussi le vieux prédicateur alla voir deux généreux amis qui le reçurent avec une immense joie. Il s'agissait de Lino et de Claudia, de dévoués serviteurs de Jésus.

L'apôtre des gentils s'installa dans leur pauvre foyer avec l'obligation de comparaître à la prison Mamertine tous les trois jours, jusqu'à ce que s'éclaircisse la situation de manière définitive.

Bien que se sentant réconforté au fond, le vénérable ami des gentils ressentaient de singuliers présages. Il se surprenait à réfléchir au couronnement de sa carrière apostolique comme s'il ne lui restait plus qu'à mourir pour Jésus. Il combattait de telles pensées voulant poursuivre la diffusion des enseignements évangéliques. Jamais plus il ne put se rendre dans les catacombes pour y prêcher la Bonne Nouvelle, vu sa prostration physique, mais il profitait de la collaboration affectueuse et dévouée de Luc pour les épîtres qu'il jugeait nécessaires. Parmi elles, se trouvait la dernière lettre écrite à Timothée, profitant de deux amis qui partaient pour l'Asie, Paul écrivit ce dernier document à ce très cher disciple, prit de singulières émotions qui remplissaient ses yeux de larmes abondantes. Son âme généreuse désirait confier au fils d'Eunice ses dernières dispositions, mais luttait avec lui-même, ne voulant pas se sentir vaincu. En esquissant ces bienveillants concepts, l'ex-rabbin se sentit comme un disciple appelé à des sphères plus élevées, sans pouvoir se soustraire à sa condition d'homme qui ne désire pas capituler face au combat. En même temps qu'il confiait à Timothée sa conviction d'avoir terminé son ministère, il lui demandait de lui faire envoyer une grande cape en cuir laissée à Troas, chez Carpus, car il disait en avoir besoin pour son corps affaibli. Tandis qu'il lui transmettait ses dernières impressions pleines de prudence et d'affection, il suppliait ses bons offices pour que Jean-Marc vienne au siège de l'Empire afin de l'assister au service apostolique. Quand la main tremblante et ridée écrivit mélancoliquement : - « Seul Luc est avec moi »22, le converti de Damas s'interrompit pour pleurer sur les parchemins. À cet instant, néanmoins, il sentit son front caressé par un léger battement d'ailes. Un doux réconfort a envahi son cœur aimant et intrépide. À ce moment de la lettre, il ressentit un nouvel élan et démontra à nouveau sa volonté de lutter, terminant avec des recommandations concernant les besoins de la vie matérielle et les travaux évangéliques.

(22) 2 ème Épître à Timothée. Chapitre 4, verset 11. - (Note d'Emmanuel)

Paul de Tarse remit la lettre à Luc pour qu'il la fasse expédier, sans réussir à déguiser ses lugubres pressentiments. En vain, l'affectueux médecin, cet ami dévoué chercha à effacer ces appréhensions. En vain, Lino et Claudia essayèrent de le distraire.

Bien que n'abandonnant pas les travaux conformément à sa nouvelle situation, le vieil apôtre s'est plongé dans de profondes méditations d'où il ne sortait que pour s'occuper des besoins ordinaires.

Et effectivement, quelques semaines après l'envoi de son message à Timothée, un groupe armé s'est rendu chez Lino, après minuit, à la veille des grandes festivités qui devaient commémorer la reconstruction du Grand Cirque. Le propriétaire de la maison, sa femme et Paul de Tarse furent faits prisonniers, alors que Luc en réchappa puisqu'il dormait dans un autre endroit. Les trois victimes furent conduites à la prison du mont Esquilin, et démontrèrent leur puissante foi face au martyre qui commençait.

L'apôtre fut jeté dans une sombre cellule au secret. Les soldats eux-mêmes étaient intimidés par son courage. En quittant Lino et sa femme, alors qu'elle était en larmes, le valeureux prêcheur les embrassa en disant :

- Soyons courageux. Ce doit être la dernière fois que nous nous saluons avec les